Les dernières séries que j’ai regardées – à savoir Tom Clancy’s Jack Ryan et The Boys – m’ont laissé un sentiment de déception et d’insatisfaction. Alors que le début était toujours prometteur, et que le développement des personnages et de l’histoire dans les épisodes suivants ne cessaient d’augmenter la dose de suspens à un niveau presque insoutenable, la conclusion a toujours eu l’air bâclée. Pourtant, ce genre de phénomène ne se produisait pas dans les séries que je regardais – jadis – à la télé. Ceci pourrait donc pointer la différence entre les séries de plateformes et les séries destinées à la télévision. Bien que les séries de plateformes préservent une certaine liberté artistique, elles sont cependant victimes du système dans lequel elles sont produites. Du coup, il convient de reconnaître que la télévision n’est pas complètement éteinte.
Tom Clancy’s Jack Ryan raconte l’histoire d’un analyste financier travaillant pour la C.I.A. qui piste les transactions suspectes d’un compte en banque possédé par un terroriste notoire, avant de se mettre à la poursuite de celui-ci. La particularité de cette série réside dans son originalité. En effet, les scénaristes ont préféré mettre l’accent sur les terroristes et non sur le protagoniste lui-même, Jack Ryan. C’est pourquoi, les cinq premiers épisodes sont majoritairement consacrés au développement de Suleiman, un réfugié syrien ayant vécu à Paris et subi de nombreuses moqueries tout au long de sa formation comme employé de banque. Ce passé tourmenté a fait de Suleiman un homme désireux de se venger de ce que l’occident lui a pris (son foyer) et refusé (un avenir). L’histoire suggère aux spectateurs de comprendre le parcours de Suleiman et de le questionner, et ce à un point qu’on finit par ne même plus se soucier du personnage de Jack Ryan, tant son développement paraît minime. Toutefois, lors des deux derniers épisodes, c’est comme si les scénaristes se sont rendu compte que le récit qu’ils ont écrit s’appelait Tom Clancy’s Jack Ryan et non Tom Clancy’s Suleiman. Cette prise de conscience grossière oblige la série à multiplier les ellipses et autres facilités scénaristiques. Le plan de Suleiman perd en intérêt ; il devient subitement un terroriste banal, comme déjà vu dans d’autres films ou séries, tandis que Jack Ryan se découvre des pouvoirs télépathiques en déjouant le plan de son ennemi en deux temps. Les dernières minutes, très cliché, montrent un Jack Ryan promu au rang supérieur, le tout en recevant une nouvelle mission qui vient teaser la deuxième saison.
The Boys a fait l’effet d’une bombe en venant briser la fatigue qui s’était installée dans les productions de super-héros. Véritable critique du marketing et merchandising derrière l’univers des hommes en collants, l’adaptation d’Eric Kripke a bénéficié de tous les éléments pour réaliser une série de qualité : une idée originale, un scénario en béton, de l’audace, mais surtout, des personnages interprétés par d’excellents acteurs (mention spéciale à Antony Starr dans le rôle du Protecteur). Pourtant, la fin de la saison m’a laissé perplexe. En effet, les enjeux introduits dans les deux premiers épisodes ne sont finalement résolus qu’à moitié. Le dernier épisode se déroule de manière assez lente, perdant ainsi le rythme soutenu des épisodes précédents. De plus, l’annonce de la saison suivante se fait à l’aide d’un cliffhanger insatisfaisant, mais tout de même pas aussi grotesque que l’était celui à la fin de The Umbrella Academy, par exemple.
À l’instar des séries TV, les séries de plateformes ont déjà une fin prédéfinie, c’est-à-dire que le nombre de saisons est déjà connu par les producteurs. Ceci fait qu’elles ont une histoire globale divisée en plusieurs saisons. Par exemple, il avait été annoncé peu après la première saison de Stranger Things qu’il y aurait quatre ou cinq saisons. Même procédé pour DARK qui comptera trois saisons au final. Les séries TV, au contraire, ne jurent que par les audiences : tant qu’il y aura des téléspectateurs devant leur téléviseur, le show devra continuer. C’est pour ça que des programmes comme Arrow ou The Walking Dead comptabilisent respectivement huit et neuf saisons alors qu’il n’y a plus rien à raconter depuis quatre ou cinq saisons… Néanmoins, les séries TV ont tendance à mieux soigner la structure de leurs saisons car elles doivent impérativement plaire aux téléspectateurs pour être renouvelées. Dans Sons of Anarchy, par exemple, chaque saison a un antagoniste principal venant contrecarrer les magouilles des motards de la ville de Charming et, à l’issue du récit, l’antagoniste succombe aux balles d’AK47 et au coups de lame des membres des Sons. Il y a donc un accomplissement à chaque fin de saison, ainsi qu’une annonce pour la suite. Cependant, l’histoire globale reste visible à travers les sept saisons puisque le public suit l’ascension et la chute de Jax Teller, protagoniste principal.
J’éprouve finalement plus de plaisir à regarder une série TV car la plupart – celles qui ne durent pas une vingtaine d’épisodes – vont à l’essentiel et parviennent très souvent à conclure l’histoire de manière correcte. Ce qui me dérange dans les séries de plateformes, c’est le système duquel elles font partie qui pousse les spectateurs à la surconsommation et au binge-watching ; il faut regarder pour regarder. Personnellement, je préfère comparer une série à une relation, c’est une sorte d’engagement, et il faudrait donc prendre le temps de bien la regarder, mais surtout, de la regarder parce qu’on en a envie.
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