À travers les plus grands films de science-fiction tels que Terminator, 2001 : l’odyssée de l’espace ou encore Star Wars, de nombreuses thématiques ont été abordées sur tous les angles possibles. Depuis les années 2010 et le renouvellement du mode de production hollywoodien lancé par Avatar, la science-fiction a perdu son côté indépendant et intimiste pour se tourner vers le grand public en privilégiant les grands spectacles visuels. Cependant, parmi les grosses franchises spectaculaires, un jeune réalisateur sud-africain du nom de Neill Blomkamp a su se frayer un chemin qui lui a valu une place dans le cercle fermé des cinéastes d’auteur à Hollywood. Toutefois, après avoir connu un succès assez conséquent et fulgurant avec Disctrict 9, son premier film, l’esprit de ce dernier a ensuite hanté les deux suivants, Elysium et Chappie. Voyant ses dernières histoires originales vivement critiquées, le prodige d’Afrique du Sud a alors décidé de se tourner vers un cinéma beaucoup plus franchisé. Une tournure des plus interrogatives…
Né à Johannesburg à la fin des années 1980, Neill grandit à l’époque du Nouvel Hollywood et des réalisations risquées de passionnés tels que Steven Spielberg et George Lucas. Cette passion pour le Septième Art, qu’il partage avec son ami Sharlto Copley, il l’emporte avec lui à la Vancouver Film School au début de ses études universitaires. Après celles-ci, il travaille en tant qu’animateur 3D dans des séries comme Stargate SG-1 et Dark Angel. En 2007, il réalise trois courts-métrages en prises de vue réelles afin de promouvoir la sortie du jeu vidéo Halo 3. Peter Jackson, séduit par le travail de Neill – constitué de courts-métrages et fausses publicités – lui propose la réalisation d’une adaptation live dudit jeu vidéo. Blomkamp accepte, mais revient très vite sur sa décision après une pré-production chaotique, des retards de financement et des mauvais rapports avec 20th Century FOX. Toutefois, désireux de collaborer ensemble, Neill Blomkamp et Peter Jackson décident de se servir du peu de budget dont ils disposent pour lancer la production d’un nouveau film adapté d’une histoire originale de Blomkamp et sa compagne, Terri Tatchell. Voilà donc comment District 9, un film largement inspiré du court-métrage de Neill Alive in Joburg, voit le jour.
Un vaisseau extra-terrestre qui reste immobile dans les cieux de la capitale sud-africaine se fait pénétrer par des scientifiques et forces armées. À l’intérieur : des aliens malades et désorientés. Les hommes les transportent alors au sol afin de les conserver dans un camp : le District 9. Au fil des années, humains et extra-terrestres vivent difficilement ensemble ; le gouvernement johannesbourgeois prend la décision d’écarter les visiteurs de l’espace vers un endroit moins peuplé : le District 10. À travers cette histoire, les risques pris par Blomkamp ont payé puisque premièrement, le film a été nommé quatre fois à la 82ème cérémonie des Oscars, et deuxièmement, il a rapporté prés de 205 millions $ au Box Office mondial pour un budget de 30 millions $. De plus, cet accomplissement ouvre grand les portes de Hollywood à Neill Blomkamp et son ami Sharlto Copley (acteur principal dans District 9). Il y a deux raisons à ce succès fulgurant dont la première concerne le style de réalisation. Neill mélange fiction et faux documentaire, ce qui donne un côté très réaliste renforcé par l’utilisation de caméras professionnelles et amateurs. Le long-métrage est filmé sur tous les angles et par tous les dispositifs possibles (caméra à l’épaule, caméra stable, GoPro, caméra de surveillance, webcam etc.). Ensuite, le style d’écriture vient donner tout son sens à l’oeuvre de Blomkamp et Tatchell. Tout d’abord, l’histoire se déroule en Afrique du Sud ; ce qui n’est pas le lieu habituel des invasions extra-terrestres dans le Cinéma hollywoodien. Puis, District 9 se montre comme une critique métaphorique de l’esclavage et de l’apartheid où il semble bon de croire qu’il existe des formes de vie ayant plus de valeur que d’autres. On retrouve également une légère touche de comédie noire avec un protagoniste opprimé par son entourage et complètement en chute libre car dépassé par les événements, ainsi que des personnages secondaires obnubilés par leur objectif et prêts à tout pour l’atteindre. Le jeune cinéaste fait également preuve de beaucoup de créativité en ce qui concerne les scènes d’action où il n’hésite pas à démontrer la cruauté et rivalité qui règnent entre humains et aliens. District 9 a été un tel succès que les fans réclament toujours une suite à l’heure actuelle. Cependant, ce succès incontestable pousse Neill à voir encore plus grand. C’est de cette grande ambition que naît Elysium.
Les grands moyens sont employés pour son deuxième long-métrage. Sony Pictures attribue au réalisateur sud-africain une enveloppe de 115 millions $ pour la production. Neill veut que son film soit plus international et engage des acteurs comme Jodie Foster (Contact), Wagner Moura (Narcos), Diego Luna (Rogue One : A Star Wars Story), William Fichtner (Prison Break) et, bien sûr, Sharlto Copley. Pour incarner le rôle principal, Eminem avait initialement été approché avant de décliner l’offre après que sa requête de tourner le film entièrement à Detroit ait été refusée. Le rôle de Max revient alors à Matt Damon. Tous les éléments étaient présents pour faire d’Elysium une réussite. Malheureusement, la dystopie de Blomkamp ne rapporte que 296 millions $ à travers le monde ; un échec commercial. Du côté de la critique, on reproche au film d’être banal et de ne pas raconter grand-chose. Bien évidemment, il ne faut pas attendre longtemps pour voir les comparaisons avec District 9 surgir. Contrairement à son prédécesseur qui se focalisait sur les péripéties de son protagoniste, Elysium, lui, raconte une histoire plus globale. En effet, étant donné que l’action se déroule dans un futur où les riches et puissants ont littéralement déserté la Terre, le scénario ne peut pas se permettre de nous montrer qu’un seul point de vue. D’autant plus qu’au tout début du récit, le réalisateur annonce clairement que son héros mourra à l’issue de ses aventures. Tout cela fait que l’enjeu principal, qui est de supprimer les inégalités entre les riches et les pauvres, est prioritaire par rapport au sort de Max. Malgré une photographie lisse et des effets spéciaux propres, Neill Blomkamp avouera deux ans plus tard, en 2015, pendant l’Avant-Première de Chappie, qu’il regrettait certains choix effectués dans la narration d’Elysium et qu’il serait prêt à recommencer s’il le pouvait. Neill se disait peut-être qu’il manquait une touche plus personnelle à sa seconde œuvre et qu’un retour aux sources était nécessaire pour mieux repartir.
Quand il n’était pas occupé à diriger Matt Damon dans une décharge à Mexico City sur le tournage d’Elysium, Neill, accompagné de sa femme, écrivait une nouvelle histoire : celle d’un robot endommagé qui se voit attribué une conscience humaine par un jeune inventeur, avant de se faire kidnapper par des gangsters qui se serviront de lui comme arme. Deux semaines et une centaine de pages plus tard, le script prend forme et obtient un titre : Chappie. Directement après son second film, Blomkamp entame le tournage à Johannesburg, effectuant ainsi un retour au pays. L’enfant prodigue revient au berceau de l’humanité. Avec un budget moins conséquent (49 millions $), Neill s’offre les services de Sigourney Weaver (Alien), l’icône féminine des films de science-fiction, ainsi que Hugh Jackman (X-Men), Dev Patel (Slumdog Millionnaire), et – roulement de tambour – Sharlto Copley. Les rappeurs sud-africains Yolandi Visser et Ninja du groupe de Zef intitulé Die Antwoord incarnent les antagonistes. De plus, Hans Zimmer compose la bande-originale du film. Le jeune cinéaste prodige est aux anges, à la maison, la confiance le gagne ; il prévoit d’ailleurs secrètement une trilogie à son histoire. Malheureusement, celle-ci ne verra certainement jamais le jour. Chappie rapporte 102.1 millions $ au Box Office mondial, soit juste assez pour rembourser le coût de production, mais pas suffisant pour que Sony Pictures commande une suite. Pourtant les ingrédients étaient présents : un paysage sud-africain, des acteurs locaux, un début de film façon documentaire, un humour bien noir, des personnages détestables. Toutefois, la touche Blomkamp n’y est pas. La fameuse touche qui annonce l’issue du film dès son début. Dans District 9, Wikus apprend qu’il va se transformer tout doucement en alien et rien n’assure qu’il pourra être guéri par Christopher, son nouvel ami extra-terrestre. C’est à la suite d’un accident au travail que Max désire s’envoler vers Elysium afin de se débarrasser de son infection mortelle. Cependant, les événements du scénario lui donnent d’autres responsabilités. L’aventure de Chappie commence lorsqu’une cartouche de fusil à pompe endommage sévèrement sa batterie, la condamnant à ne plus jamais être rechargée ; elle est donc vouée à s’éteindre une fois qu’elle aura atteint 0 %. Au lieu de tout ça, Neill fait intervenir un Deux-Ex Machina pour sauver Chappie et sa mère adoptive, terminant l’histoire de façon beaucoup trop facile. Néanmoins, on pourrait débattre sur le fait que le sauvetage de son personnage principal résulte dans son idée initiale de vouloir le développer dans une trilogie.
Même si Chappie n’a pas connu le même succès que District 9, il reste à ce jour le film le plus personnel de Neill. Les thématiques abordées sont plus profondes et métaphoriques. Tout au long du film, Blomkamp questionne la vie, la création de celle-ci et l’éducation. Jean-Jacques Rousseau a dit un jour : «L’homme naît bon, c’est la société qui le corrompt.» Cette phrase résume parfaitement bien l’histoire de Chappie. Deon (Dev Patel) crée un programme artificiel destiné à donner une conscience aux robots afin qu’ils puissent vivre de manière indépendante – alors qu’à la base, ils sont créés pour faire régner l’ordre au nom de la Loi. Il trouve Chappie, un robot prêt à être envoyé à la casse, et lui attribue cette conscience. Toutefois, l’androïde se fait enlever et les première personnes qu’il découvre sont des truands. Ceux-ci incarnent la société qui va corrompre l’esprit de Chappie, mais avec une toute petite nuance, car Ninja et Yolandi vont également lui apprendre la dureté de la vie. Alors que Deon lui avait dit que personne ne devrait lui dicter quoi que ce soit, c’est pourtant lui qui ne cessait de répéter à Chappie qu’il ne devait pas suivre l’exemple de ces malfrats. Le protagoniste humanoïde se retrouve dans un conflit entre son créateur et ceux qui l’ont élevé. À ce moment du film, Neill remet en question les croyances, sous toutes les formes, et démontre qu’il n’y a pas de frontière entre le Bien et le Mal. Chappie comprend alors que seul lui a le pouvoir de changer le cours de sa vie et que personne – que ce soit Deon ou les gangsters – ne doit se mettre sur son chemin. En fin de compte, il n’y a pas de réel antagoniste dans ce film, étant donné que le protagoniste mène un combat contre lui-même.
Au final, Neill Blomkamp n’a pas grand-chose à se reprocher. C’est un réalisateur polyvalent et talentueux qui propose un nouveau regard sur un genre qui n’est plus considéré de la même façon qu’il y a trente ans. Néanmoins, alors que deux de ses trois créations n’ont pas reçu l’accueil qu’il espérait, Neill a aujourd’hui rejoint la franchise Alien. Cependant, Ridley Scott a (involontairement) tenté de lui mettre des bâtons dans les roues en ralentissant la production d’Alien Five avec ces prequels Prometheus et Alien Convenant. À l’heure actuelle, le film ne semble plus d’actualité. Neill est parti créer sa boîte de production, Oats Studio, avec laquelle il réalise divers projets diffusés sur YouTube tels que des courts-métrages et des publicités de jeux vidéos. Quatre années se sont écoulées depuis son dernier long-métrage, mais Blomkamp ne semble pas d’attaque pour réaliser un quatrième film. Il n’a annoncé aucun projet cinématographique pour l’instant. Ce qui est sûr, par contre, c’est que son prochain film aura du coeur et fera rêver beaucoup de personnes. Le Cinéma de Neill Blomkamp dépeint la vie à travers des histoires inattendues qui ont toutes une touche d’humanité, dans sa forme la plus honnête. Voici ce qui fait de Neill Blomkamp le prince de la science-fiction.
Découvrez Rakka, l’un des courts-métrages de Neill Blomkamp avec Oats Studio :