Parmi les super-héros les plus adaptés au cinéma, Superman arrive en tête du classement. De Kirk Alyn à Tyler Hoechlin, en passant par Christopher Reeve et Henry Cavill, nombreux sont les acteurs qui ont en effet pu porter l’emblématique costume bleu et arborer le symbole d’espoir de la famille El. Certains ont été oubliés, alors que d’autres, comme Christopher Reeve, sont devenus de véritables icônes. Toutefois, le plus controversé d’entre eux s’avère être Henry Cavill dont l’interprétation de l’homme d’acier a choqué l’ecclésia et heurté la sensibilité des puristes. Alors que cinq années se sont écoulées depuis le 13 juin 2013, le film de Zack Snyder continue de faire parler de lui, faisant ressortir des avis de plus en plus positifs à son sujet.
Nous sommes en 2009. Trois ans après l’échec de Superman Returns de Bryan Singer, la société de production Warner Bros. aimerait déjà relancer de nouvelles aventures sur le héros kryptonien, d’autant plus que le chevalier noir, mené par Christopher Nolan, cartonne auprès du grand public et de la critique. C’est d’ailleurs au réalisateur britannique que les dirigeants pensent confier les clés de la réalisation du reboot, mais Nolan, qui n’est déjà pas un grand fan de super-héros, décline gentiment l’offre en pointant du doigt l’homme qu’il qualifie de plus compétent pour prendre un main un tel projet : Zack Snyder. Ce dernier, qui avait triomphé avec 300 en 2007, venait malheureusement de commettre un faux pas avec Watchmen dont les résultats au Box-Office s’avérèrent décevants et ce, malgré le bon accueil du public. De plus, le réalisateur travaillait déjà à cette époque sur Le royaume de Ga’hoole. La Warner Bros., bien que sceptique, finit par suivre le conseil de Nolan qui se porte même garant de la production et de l’écriture (avec son partenaire David S. Goyer) du projet qui s’appellera Man of Steel. Fin 2010, Zack Snyder annonce publiquement qu’il s’occupera de réaliser le film, tout en précisant qu’il s’agira « d’un reboot qui ne fera aucun lien avec les films précédents ». Il choisit ensuite Henry Cavill pour incarner le rôle principal. L’acteur britannique avait par ailleurs failli interpréter l’homme d’acier dans le projet avorté Superman : Flyby et était pressenti pour endosser le costume dans Superman Retuns, avant que Bryan Singer vienne finalement imposer Brandon Routh. Amy Adams, qui avait joué dans Smallville, a été choisie pour devenir la nouvelle Lois Lane, et c’est Michael Shannon qui a succédé au mythique Terence Stamp dans le rôle du général Zod. Le tournage commence le 1er août 2011 et le monde attend impatiemment le retour en salles du plus grand super-héros.
Une semaine après la sortie du film, la polémique démarre. D’emblée, le sixième long-métrage de Snyder divise drastiquement l’audience. D’un côté, il y a les spectateurs ravis de voir enfin l’étendue de la force de Superman pour la première fois en salles, le tout dans une ambiance qui se veut réaliste avec des conséquences aux actions des personnages. De l’autre côté, les puristes crient à l’hérésie et regrettent l’époque du sage Christopher Reeve. Plus particulièrement, ce sont les prises de risques du réalisateur qui les dérangent. Superman sauve la Terre, certes, mais il laisse derrière lui une flopée de cadavres. De plus, à la fin du film, il commet l’impensable en ôtant la vie du général Zod, chose qui n’avait encore jamais été vue dans les aventures de l’homme de demain au cinéma. Comme à son habitude, les choix du metteur en scène ont été osés et ont fait beaucoup parler ; les détracteurs critiquent également la passivité du protagoniste de l’histoire, mettant en doute les compétences dramatiques de l’acteur natif de Jersey. Dans le quartier général de la Warner Bros., les producteurs se regardent de manière dubitative et contemplent avec effroi à quel point ce projet ne leur a pas rapporté la somme qu’ils espéraient au Box-Office : 668 millions de dollars au Box-Office mondial pour un budget de 225 millions, soit juste assez pour les convaincre de commander une suite. La société de production de Christopher Nolan, Syncopy, se retire pour la suite, mais le réalisateur reste tout de même attaché (de façon détachée) à ce nouvel univers. En effet, lors du Comic Con de San Diego de la même année, Zack Snyder annonce que le Kryptonien rencontrera le chevalier noir dans une suite qui s’inspirera de The Dark Knight Returns, œuvre de Frank Miller.
Cet univers, officieusement appelé DC Extended Universe, semblait très prometteur. Cependant, les critiques négatives de Man of Steel se sont également déversées sur Batman v Superman : L’aube de la Justice, confirmant ainsi les doutes qu’avaient les dirigeants sur Snyder. D’ailleurs, tout au long de la production du film, sa liberté fut réduite. Pour Man of Steel, il bénéficiait de la protection de Nolan. Ce dernier n’étant pas activement présent pour cette suite, les autres producteurs ont mis leurs mains sur le montage du film. Cette situation s’est amplifiée et aggravée sur le tournage de Justice League, troisième opus de cette saga Superman. Et alors que la réputation du DCEU joue aux montagnes russes, de plus en plus d’internautes ressortent les souvenirs du passé. Etonnamment ou pas, beaucoup de critiques positives sur le premier film de cet univers émergent (ou refont surface), pointant du doigt les choix audacieux faits par Zack Snyder et qu’on ne retrouve pas dans Suicide Squad, Wonder Woman ou encore Justice League.
Tout d’abord, le ton du film est mis en exergue. L’œuvre de Zack Snyder adopte en effet une ambiance très sérieuse et sombre avec un protagoniste beaucoup plus philosophique. Kal-El n’est pas encore le Superman qu’on connaît, et ne devait l’être que dans sa deuxième suite. Le réalisateur a voulu montrer comment un être avec de tels pouvoirs pourrait s’intégrer dans notre société moderne et comment il serait reçu par les terriens. Le film répond à ces questions en affirmant clairement que Superman fascinerait les gens, mais les effrayeraient d’autant plus. Cette peur se perçoit même dans l’opus suivant par l’intermédiaire de la sénatrice Finch et (surtout) Lex Luthor. Ensuite, le film désire montrer aux spectateurs que dans un monde réel, chaque action aura une conséquence. Oui, quand deux êtres superpuissants s’affrontent en plein centre-ville, des gens meurent. Beaucoup. Surtout si le but de l’antagoniste est de tuer la totalité de la planète. En outre, étant donné que Clark ne s’était jamais battu avant, et qu’il ne connaissait pas l’étendue de sa force, même lui est responsable de quelques dommages collatéraux. Ce dernier point a mis énormément de temps à être compris et accepté par les détracteurs, même si le long métrage est encore loin de faire l’unanimité. Toutefois, avec le recul, et surtout au vu des productions super-héroïques récentes, Man of Steel n’a plus à rougir puisque Henry Cavill est aujourd’hui considéré comme un excellent Superman, et que le général Zod de Michael Shannon est perçu par certains fans comme le dernier excellent vilain dans un film de super-héros. Rien que ça. De plus, la composition originale de Hans Zimmer compte parmi les meilleures bandes originales, rendant le nouveau thème principal de Superman presque aussi iconique que celui de John Williams en 1978.
Néanmoins, malgré ces dernières avancées, la réputation du film n’a pas complètement changé. Seul un petit groupe de fans de super-héros redore petit à petit le blason de Man of Steel. Cependant, pour la critique, l’œuvre de Snyder ne compte même pas parmi les meilleurs films du genre, la presse donnant sa préférence aux super-héros ne se prenant pas au sérieux – il s’agissait d’ailleurs là de l’argument principal pour vanter les qualités de Wonder Woman. Il y a ainsi une forte réticence à ce niveau et si la trilogie de The Dark Knight a réussi, c’est avant tout dû au fait que Batman est un héros plus facile à adapter et à accepter que Superman. La psychologie et toute la mythologie derrière l’homme d’acier n’est en effet pas toujours évidente à appréhender pour tout le monde. Une conséquence du fait que les nombreuses adaptations de ce héros s’orientent plus vers le grand public en dévoilant un Kal-El constamment souriant et naïf. Or, il représente bien plus que cela, il reflète le sacrifice absolu. Nous avons là un être étranger dans notre planète qui rassemble toutes ses forces pour sauver tout un monde qui n’a pas voulu de lui, tout ça parce que deux personnes, Jonathan et Martha Kent, lui ont donné l’amour qu’il mérite, et cet amour, il nous le redonne.