Cinéma
Critique : The Predator, “t’as pas une gueule de porte-bonheur”
Le sépulcral frémissement d’une forêt prête à vous avaler, la funeste promesse d’une silhouette indistincte, le murmure mortel d’un indicible cliquetis, pas de doute, la chasse est ouverte. Plus de trente ans après l’incontournable Predator de John McTiernan (1987), une des licences les plus célèbres de la pop culture est de retour avec The Predator. Pour le meilleur et pour le pire…
Depuis son annonce en 2014, The Predator n’a eu de cesse de diviser. Il faut dire que le traitement cinématographique réservé aux précédents opus de la licence – Predator 2 (1990) et Predators (2010) – n’avait pas manqué de laisser un arrière-goût amère à des fans dépités de voir l’héritage de l’œuvre iconique de John McTiernan charcuté et malmené de la sorte. C’est donc dans une atmosphère profane et amarescente qu’a vu le jour un The Predator accablé de la lourde tâche d’innover et de surprendre tout en conservant l’essence-même de la saga afin de la relancer. De l’annonce de son réalisateur, Shane Black (Kiss Kiss, Bang Bang, Iron Man 3 et The Nice Guys), à celui du casting, en passant par la diffusion de différents trailers, The Predator a suscité une myriade de réactions de la part d’un public déchiré entre excitation et appréhension. Personne ne savait vraiment à quoi s’attendre et quelques jours après la sortie du film en Belgique, l’heure du bilan a sonné : la chasse est ouverte et elle amène avec elle un soupir mortifère.
Loin de se contenter d’être un insipide copier-coller du matériau originel uniquement destiné à remettre la saga au goût du jour, The Predator ambitionne d’insuffler des éléments narratifs nouveaux à la franchise. Là où les précédents épisodes se satisfaisaient d’un scénario minimaliste, simple support à une traque sanglante et haletante, le film de Shane Black va un peu plus loin en proposant une intrigue davantage poussée, aux enjeux définitivement plus importants. Sans rentrer dans les détails, afin d’éviter tout risque de spoil, alors que les humains découvrent que les Predators essaient d’évoluer génétiquement en récoltant l’ADN d’autres espèces, un jeune garçon déclenche accidentellement leur retour sur Terre : l’occasion pour les spectateurs d’en apprendre un peu plus sur ces impitoyables extraterrestres et, surtout, de découvrir une toute nouvelle espèce de Predators, plus rapide, plus forte et plus intelligente, le Super Predator.
The Predator se dote donc, ou du moins essaie, d’une affabulation plus riche. Si, sur papier, l’intention est louable, le résultat est, dans la pratique, assez décevant et frustrant. A vouloir jouer sur trop de tableaux différents, le film finit par se perdre dans les dédales de ses propres (sous-)intrigues. L’œuvre de Shane Black ne cesse de s’éparpiller, ne faisant qu’effleurer les différentes pistes narratives sans jamais prendre le temps de les approfondir, laissant ainsi sempiternellement le spectateur sur sa faim. Et il s’agit bien là d’un des plus gros défauts du film : en tentant de se démarquer du Predator de 1987, The Predator se retrouve avec un scénario tout aussi anecdotique mais qui, au contraire du long-métrage de John McTiernan, peine à tenir la route, finissant même par totalement s’essouffler pour, au final, disparaître vers le milieu du film, avant de réapparaitre dans un audacieux cliffhanger qui risque d’en faire crier plus d’un.
Homo sapiens vs Predator
Si The Predator peine à convaincre avec son intrigue qui s’auto-sabote, le film peut néanmoins compter sur un éventail de protagonistes tout aussi déjantés qu’attachants. Composé d’anciens militaires plus ou moins lunés et d’une scientifique dont le rôle reste malheureusement incertain et superfétatoire, ce super commando de bras cassés ne ratera jamais une occasion pour se lancer dans des tirades aussi gondolantes qu’insensées, entrecoupées de punchlines et dialogues particulièrement cocasses ; c’est bourrin, parfois lourd, mais c’est diablement efficace. En ce sens, The Predator s’apparente davantage à une série B décalée et décomplexée, aux effluves des années 80, qu’à un réel film horrifique comme pouvait l’être Predator. Cela se ressent notamment dans l’atmosphère du long-métrage puisque l’ambiance pesante et angoissante du premier épisode – pour la première fois, l’Homme moderne se retrouvait traqué par pur plaisir par une créature lui étant biologiquement et technologiquement supérieure – a laissé place à des situations beaucoup plus nerveuses et définitivement moins intenses. Les rares moments d’angoisse sur lesquels The Predator aurait pu capitaliser ne tardent d’ailleurs pas à être désamorcés et balayés par un trait d’humour lancé inopinément par un protagoniste, renforçant ainsi le côté décomplexé du film.
“Si The Predator peine à convaincre avec son intrigue qui s’auto-sabote, le film peut néanmoins compter sur un éventail de protagonistes tout aussi déjantés qu’attachants. Composé d’anciens militaires plus ou moins lunés et d’une scientifique dont le rôle reste malheureusement incertain et superfétatoire, ce super commando de bras cassés ne ratera jamais une occasion pour se lancer dans des tirades aussi gondolantes qu’insensées, entrecoupées de punchlines et dialogues particulièrement cocasses ; c’est bourrin, parfois lourd, mais c’est diablement efficace.”
C’est une évidence, ce parti pris de légèreté ne plaira pas à tout le monde. Tous s’accorderont cependant à dire que, quitte à jouer les bourrins, les scènes d’action du film auraient mérité un meilleur traitement. Si l’on retrouve toujours le coté sanguinaire et impitoyable du Predator, déchiquetant et éviscérant à tout-va ses proies, on regrettera des combats trop brouillons et chaotiques, pas aidés par des effets spéciaux parfois à la ramasse. A aucun moment, ces impitoyables chasseurs ne font réellement frissonner et on se retrouve rapidement à déplorer leur manque cruel de charisme et de dangerosité. La mise en scène confuse rend d’ailleurs les affrontements parfois difficiles à suivre, tant les évènements s’enchainent rapidement, alors que l’intense traque annoncée se transforme en simples combats bourrins mais néanmoins savamment survitaminés. Paradoxal dans sa construction, The Predator oscille entre humour débridé et enjeux inexorables et ne semble jamais réellement capable de trouver son rythme ; un problème qui peut notamment s’expliquer par les nombreux déboires qu’a connus le film en postproduction (disparition de personnages, reshoots, etc.).
Malmené par la critique – surtout américaine -, The Predator n’en demeure pas moins un bon film à condition d’être visionné pour ce qu’il est. Certainement pas la suite tant espérée de l’œuvre iconique de John McTiernan, le long-métrage de Shane Black s’apparente davantage à une série B décalée et badasse, aux effluves des années 80. Reniant l’aspect angoissant et horrifique des premières chasses au profit d’un ton plus léger et décomplexé, avec pour fer de lance des personnages débridés et des scènes d’action survitaminées, The Predator se révèle être un divertissement sympathique, apportant son lot de bonnes idées et d’ambitions. On regrettera cependant une mise en scène pas toujours très inspirée et parfois brouillonne ainsi qu’un scénario qui, à trop vouloir en faire, finit par ne rien accomplir correctement.